About

Jean-René Leblanc et Eve Provost Chartrand sont une équipe créative d’artistes en art visuels vivant et travaillant au Canada et aux États-Unis d’Amérique.

Énoncé artistique

À titre d’artistes conceptuels s’intéressant aux enjeux culturels et à la théorie critique dans une démarche artistique hybride combinant la sculpture et la photographie, notre méthode de recherche-création itérative se définit comme une série d’études de cas qui alimentent nos créations visuelles. Notre recherche collaborative enquête sur la nature des représentations négatives du corps vieillissant, y compris les discours d’inclusivité et de visibilité hors des cadres normatifs. Nous prenons comme point de départ la complexité de l’espace installatif et la façon dont il est transformé au fil du temps, par la présence de spectateurs. Nos oeuvres sont composées de formes fabriquées et d’objets trouvés qui sont superposés et fixés au moyen d’encaustique et d’agents liant puis photographiés. Chacun des objets est soigneusement choisi et lié à notre compréhension de l’identité comme phénomène multidimensionnel.

L’excès matériel y évoque la croissance et la régénérescence et vise à déstigmatiser les corps vieillissants en montrant leur riche abondance et leurs processus générateurs. La subtile et ambiguë violence visuelle de ces « sculptures d’étrangeté » est ensuite réinterprétée par la lentille photographique, ouvrant un espace symbolique où l’intimité, la séduction et la répulsion sont synonymes. Notre approche artistique sert d’outil de critique culturelle et institutionnelle; elle sert également de courroie de transmission permettant de commenter de façon créative le soi dans un contexte de culture visuelle.

Syuzhet & Fabulae

La plus récente itération de ce projet est l’aboutissement de trois années de recherche-création exhaustive qui explore les conséquences des définitions négatives du corps sur l’identité propre et le pouvoir d’agir des gens au quotidien. Cette oeuvre propose une nouvelle lecture du corps où les motifs sous-jacents évoquant l’horreur et la fragilité rappellent aussi notre condition humaine partagée, la capacité régénérative du corps, les solidarités et vulnérabilités communes.

Composée d’approximativement sept sculptures-assemblages misent en dialogue avec 15 photographies grand format, cette oeuvre « ostréanénique » présente simultanément deux volets d’une même expérience : le syuzhet et la fabulae. Termes issus du formalisme russe, le syuzhet fait écho à l’information partielle et possiblement ambiguë fournie par le geste énonciatif se cachant subtilement dans les objets fabriqués (et révélés par l’objectif photographique), tandis que la fabulae constitue la matérialité révélatrice du familier qui s’avère riche sur le plan ontologique.

Mettant à l’épreuve les stéréotypes discriminatoires qui nient la fécondité du vieillissement, la richesse de son individualité et l’unicité de son paysage personnel, notre travail célèbre le rôle singulier d’une transformation incarnée et acceptée, essentielle au maintien d’une écologie individuelle positive, ainsi que la générosité et l’ingénieuse créativité régénératrice de la nature. Avec cette installation, nous remettons ainsi en cause les idées véhiculées selon lesquelles le vieillissement du corps se définit intrinsèquement par la détérioration et la mort.

Ce travail s’inspire fortement de l’idée selon laquelle les objets peuvent initier un processus de transfert et/ou de transsubstantiation et engendrer chez le spectateur un réveil sensoriel ravivés par une humanité incarnée et partagée. Générée par des considérations contemporaines relatives au corps humain et sa relation au monde naturel et matériel, notre oeuvre tente de s’éloigner des conceptions voyant le corps comme un simple produit de facteurs culturels; nous tenons à redéfinir la connaissance des corps charnels en transgressant les limites de représentation connues et, ce faisant, suggérons une vision plus englobante du corporel.

Syuzhet & Fabulae tente de réconcilier ce que nous choisissons de voir et d’ignorer, ce qui est culturellement construit et ce qui est inné et inéluctable, tout en abordant l’aspect participatif de l’exposition, absolument essentiel à l’aspect socialement transformateur de l’oeuvre.